The concept of a poetics of silence has acquired a central place in literary theory in recent decades, with unreliable narration as defined by Booth (1961) playing an important part in the conceptualisation of an aesthetics of silence. Both silence and unreliable narration are key components of Kazuo Ishiguro’s writing strategy. I want to show that the poetics of silence that is so constitutive of his style was already at work at the very beginning of his writing. In order to achieve this goal, this paper studies one of Ishiguro’s first published short stories, “A Strange and Sometimes Sadness” (1981), in which a first-person narrator evokes memories of her time in Nagasaki during World War II. The narrator progressively turns out to be an unreliable one, due to the unspeakability of her traumatic experience. Her reluctance to report certain facts and to express some of her feelings is emphasised by the overabundance of details provided on safer subjects. The implied reader is compelled to try and fill the text’s blanks, which themselves shed light on the gap between narrator and implied author. This short story prefigures very clearly Ishiguro’s later novels, and deals with themes dear to him: memory, family, trauma and guilt, the atomic bomb as an absent centre. It also presents a very clear picture of the genesis of his writing style, centred around a poetics of silence, both at the diegetic and narratorial levels.
= Le concept de poétique du silence a acquis une importance centrale dans la recherche littéraire ces dernières décennies, tandis que la narration non fiable telle que Booth l’a définie en 1961 joue un rôle essentiel dans la conceptualisation d’une esthétique du silence. Narration non fiable et poétique du silence sont deux éléments clés de la stratégie d’écriture de Kazuo Ishiguro. Le but de cet article est de monter que la poétique du silence caractéristique du style d’Ishiguro était déjà à l’œuvre au tout début de sa carrière d’écrivain. A cet effet, cet article étudie l’une des premières nouvelles publiées d’Ishiguro, ‘A Strange and Sometimes Silence’ (1981), dans laquelle une narratrice à la première personne évoque des souvenirs de sa vie à Nagasaki pendant la guerre. La narratrice s’avère progressivement d’une fiabilité très limitée, du fait du caractère indicible de son traumatisme. Sa réticence à rapporter certains faits et exprimer ses sentiments est accentuée par la surabondance de détails qu’elle donne sur des sujets plus neutres. Le lecteur implicite est amené à combler les blancs du texte, qui mettent en lumière l’écart entre la narratrice et l’auteur implicite. Cette nouvelle préfigure clairement les romans plus tardifs d’Ishiguro, et aborde des thèmes qui lui sont chers : mémoire, famille, traumatisme et culpabilité, et la bombe atomique comme centre absent. Elle présente également un aperçu très clair de la genèse de son style, centré autour d’une poétique du silence, aussi bien au niveau diégétique que narratologique.